Matière Infinie — Et les déchets plastique deviennent design

80 ans à peine : en peu de temps, le plastique est devenu omniprésent dans nos vies. Sur les tablettes d’épicerie, dans les fibres de nos vêtements ou les structures de nos voitures, mais aussi, inévitablement, dans les océans, les nappes phréatiques… jusque dans les aliments que nous mangeons.

Cette intrusion du plastique un peu partout est en grande partie due au fait que cette matière a longtemps été traitée comme jetable. Cette intrusion du plastique un peu partout s’explique en grande partie par le fait que cette matière a longtemps été traitée comme jetable. Elle est même devenue un pilier de l’économie dite « linéaire » : on produit, on consomme, on jette.

Heureusement, les temps changent et, avec eux, les lois et les comportements se transforment. Au Québec, l’ensemble de la population a tendance à trier – en 2021, 75 % des déchets reçus dans les centres de tri provenaient des collectes municipales, donc citoyennes*. De plus en plus, les industries, les commerces et les institutions se joignent au mouvement.

Malgré ce bel effort, seuls 36 % du plastique jeté aux ordures au Québec en 2021 ont été recyclés. 158 000 tonnes de déchets plastiques ont ainsi fini enfouies ou incinérées –ce qui représente 64 % du plastique jeté aux ordures.

Le plastique HDPE, dit de type 2, que l’on retrouve dans de nombreux emballages de grande consommation (des gels de douche jusqu’à la lessive), représente à lui seul entre 18 000 et 148 000 tonnes de plastique éliminées entre 2020 et 2021**. À tous ces chiffres apocalyptiques s’ajoutent les milliers de tonnes de plastique qui ne sont pas envoyées au recyclage, et échappent ainsi aux statistiques.

Les équipes de TUX Karma évoluent dans le monde du design, de la création et de la publicité. Promouvoir des objets plastiques fait partie de leur métier. Sans surprise donc, nos équipes ont, elles aussi, l'écoanxiété dans le tapis.

Quelque part en 2021, Olivier Paré, designer d'espace chez TUX à l'époque, rencontre Olivier Bonnard, un artiste multidisciplinaire qui a décidé d'injecter ses convictions environnementales dans sa pratique artistique. Il est également l'un des co-fondateurs du Studio Ascètes, dont la mission consiste à transformer des déchets en objets d'art et/ou design.

C'est de cette rencontre que tout découle: comment TUX Karma et le Studio Ascètes pourraient unir leurs forces afin de transformer notre écoanxiété collective en action inspirante, inspirée, mais surtout utile?

Presque deux ans plus tard, en mai 2023, TUX Karma lance Matière infinie. Cette exposition, imaginée et développée en collaboration avec le Studio Ascètes, nous invite à découvrir la seconde vie design des plastiques de types no 2 (HDPE), 1 (PET), 4 (LDPE), 5 (PP) ou 6 (PS). La recette : du talent et de la persévérance, et une grosse dose de foi en l’avenir!

* Source : La collecte sélective, RECYC-QUÉBEC, 2021.

** Source : Étude de caractérisation à l’élimination 2019-2020, RECYC-QUÉBEC, 2021. Nous utilisons une fourchette plutôt qu’un nombre exact, car certaines des données publiées dans l’étude combinent le plastique HDPE à d’autres types de plastique.

Résultat: une mise en scène artistique et exclusive de meubles dans la galerie que les équipes de TUX Karma ont créée pour l'occasion, au sein du café buvette Brouillon sur la Plaza Saint-Hubert.

Table, abat-jour, verre, tabouret: difficile, à première vue d'imaginer que le mobilier design présenté dans l'exposition Matière Infinie a été conçu grâce à ce qui se trouve dans nos poubelles. Et pourtant, les membres du studio Ascètes ont bien récupéré une quantité colossale de contenants plastiques, les ont ensuite nettoyés, fondus puis moulés.

Au programme, 3 petits salons séparés les uns des autres par de lourds rideaux noirs. Le premier espace rappelle la candeur de l’enfance: clair, lumineux, avec un ensemble de mobilier tout en courbes, fait de surfaces lisses qu’on confondrait aisément avec du marbre. La seconde nous plonge dans un univers plus haut en couleurs et plus carré: la vie d’adulte, cette période qui appelle à entrer dans les cases que la société nous propose. Le jeu d’échecs intégré directement à la table fait d’ailleurs office de clin aux stratégies que nous déployons pour avancer dans le monde.

Enfin la pièce finale, à la fois plus sombre, mais aussi plus noueuse et coulante, presque végétale, évoque cet âge où l’individu, après des années à tenter de rentrer dans le moule, se laisse enfin aller à être lui-même. Pour rendre possible cette scénographie poétique, il a fallu mobiliser une vision artistique, mais aussi un énorme travail manuel et technique.

C’est ce que nous racontent, en mots et en images, les contenus produits par les équipes de TUX Karma qui viennent ponctuer le parcours de la galerie. C’est également ce que suggère la présence d’une étrange machine. Construite par Olivier Heaps, co-fondateur du Studio Ascètes, à partir d’un tapis de course usagé ; cette extrudeuse a permis de broyer les déchets plastique ensuite fondus et moulus en objets design.

Ouverte au grand public et interactive, Matière infinie nous invite à toucher, à voir et à sentir cette matière à laquelle on ne porte même plus attention, à force de la voir partout.

Les équipes de TUX Karma, du Studio Ascètes et du Brouillon ont poussé l’idée jusqu’au bout, puisqu’il est presque possible de goûter à ce plastique grâce au menu disponible pour un temps limité et inspiré de l’exposition.

Œufs, gâteau éponge, betterave… : des produits simples travaillés entre élégance et trompe-l’œil pour nous laisser croire, le temps d’un battement de cils, qu’un peu de plastique très design s’est glissé dans l'assiette. Même exercice côté cocktails, où une recette imaginée pour l’occasion fait écho au thème de l’exposition.

• Sensibilisation: rejoindre au moins une centaine d'acteurs influents du monde des arts et du design
• Notoriété et compréhension: faire découvrir l’approche du Studio Ascètes au grand public
• Comportement: encourager à une réutilisation circulaire des contenants en plastique
• Récupération des déchets : plastique utilisé pour produire les œuvres

Mesure du changement

• Fréquentation de l’exposition
• Couverture médiatique de l’exposition
• Nombre de contenants en plastique collectés dans le cadre de l’exposition
• Quantité de plastique récoltée et utilisée pour produire le mobilier de l’exposition